Perdue

Dans le bordel de la chambre de l’écriture, traine le temps.

Une vapeur d’eau de vie insaisissable qui saoule trop rapidement nos corps d’une peur de vieillir, nos âmes ivres d’être pressé de vivre.

Un brouillard saturé de particules d’hier, d’ici, de maintenant, d’après, de plus tard, de toujours et de plus jamais.

J’ai le cœur qui éclate. J’voudrais tellement dormir. M’étendre sur l’asphalte et me laisser écrire.  

Dans le bordel de la chambre de l’écriture, je me donne des ordres.

Fais-ci. Fais-ça. Pour ne pas me perdre. Pour ne pas être une affaire classée. Pour m’ordonnée.

Je prends la plume même si elle pèse des tonnes et j’écris d’un air léger, ne serait-ce que quelques pages de mon journal, la lourdeur du vide.

Pourquoi rien me pèse autant?

Dans le bordel de la chambre de l’écriture, s’éparpillent les pages blanches, les idées, les mots, la poésie.

Mon inspiration est un jeu de Perfection : lorsque les pièces sont à peine rangées au bon endroit dans ma tête, enfoncées dans les p’tits trous de confiance en soi, avant même que j’aie la rapidité d’esprit de les placer dans un texte, sur la feuille ou l’écran, tout fini par exploser à coup de « ça sert à quoi tout ça » ou « qu’ai-je tant à dire de si important ».

L’acte d’écrire comme motif d’interdépendance relationnelle est un jeu d’Operation : j’écris le monde avec des pincettes et le buzzer se met à sonner lorsque j’ai accroché les contours rigides de la pensée blindée d’un autre, ses idées ferrées, ses opinions bétons.

Dans le bordel de la chambre de l’écriture, il y a des livres qui attendent, tassés-serrés sur l’étagère, accumulant la poussière, ils attendent que je me presse, que je me dés’en jachère.

Que mon rien, mon vide se cultive.

Qu’il cesse de perdre son temps.

Et si lire c’est aussi écrire, je me sens analphab’estime de soi et illét’triste.

J’ai pourtant des soldats de mots cachés dans les tranchées de la pudeur et du secret, prêts à défendre le pays de mon imagination et libérer des générations d’idées de livre, mais…

Je ne sais pas faire la guerre.

J’ai peur.

Je suis faible.

Je n’ai pas d’arme.

Que le poids de mon stylo, disait Fatou Diome.

Je ne crois plus en moi.

Il y a les mots de Grand-mère Josèphe que je traine dans ma poche comme un porte-clés serré entre mes doigts, en marchant dans les rues sombres des villes, à 4heures du matin, pour me défendre si la peur de l’échec venait m’attaquer.

Les mots d’amour de mes mots de Grand-mère Josèphe dans mon bagage de vie comme une cacanne de poivre de Cayenne au cas où je devais boucher les yeux de la censure et du jugement envers moi-même.

S’il fallait que je m’oublie.  

Alors…

Que je me sauve.

Que je me sauvegarde.

Que je me sauvetage.

Que je me «saut de page».

Dans le bordel de la chambre de l’écriture je sais que je vais me ramasser.

Me ménager.

Me récurer.

Me décrotter.

Bien sûr que non, t’inquiète, je ne vais pas me balayer ni me détacher.

Je vais d’abord commencer par installer au centre de la chambre de l’écriture les mots d’amour de mes maux de Grand-mère Josèphe, comme le sanctuaire d’un sacré cœur qu’est le sien.

Sur l’autel, je ferai le sacrifice que de mon trouble et de ma lâcheté.

J’offrirai des bouquets de fleurs des lectrices et des lecteurs, qui passent encore, qui prennent le temps de me lire, de m’écrire, délectables amants, maitresses, vos yeux, votre tendresse, ô sublime richesse!

Je changerai l’eau des fleurs à toutes les fois où mon tendrépoux m’aime parce que je continue à écrire (…m’aime-t-il autant depuis que je n’écris plus….) parce qu’il me trouve belle ( suis-je laide maintenant…) lorsque je joue du clavier et que j’harmonise des phrases qui donne un sens et une mélodie.

Je fertiliserai mon âme chaque fois qu’il me regarde, parce que dans ses yeux, je suis.

Lentement, mais sûrement, je me retrouverai.

Une réflexion sur “Perdue

  1. Tu es belle, tu es bonne et tu es capable.
    Que la beauté qui t’habite continue de mettre un sourire sur tes lèvres qui elles nous parlent avec conviction et courage. Que ta force et ta volonté continue de te pousser en avant et toujours plus loin. Saches tout l’amour que tes mots nous apportent.

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